Le bonheur est dans Mana...

Mana belle et cruelle Elle, mana, mon bonheur pendant presque 6 ans.
"Mais c'est quoi pour toi l'amour ???" m'a demandé mon père.
Mana, et peut-être pour toujours...

C'est le mois d'août 2001, je suis allé en Lorraine avec mon père pour voir la "Famille". À la rentrée j'ai décidé de me lancer dans un DESS vu que je n'ai pas obtenu de bourses de thèse (une seule bourse dans mon DEA, même la place de second est perdante, encore plus quand on est troisième). Le moral ne va pas trop fort, je dois terminer les vacances chez ma mère, "une semaine pas plus" lui ai-je assuré. Je ne sais pas, peut être avais-je peur de m'ennuyer dans une villa près de la mer dans une ville remplie d'activités de saison, ou alors c'est que je m'étais habitué à ces quartiers sordides de Marseille qui de nuit ressemblent tant à des limbes où le moral n'a pas sa place.

J'arrive donc à La Seyne sur Mer pour les dernières semaines du mois d'août 2001. À cette époque, la ville est en effervescence touristique, on y croise parisiens et étrangers qui font mine d'ignorer qu'ils partagent les mêmes grains de sable la journée et se retrouvent le soir devant des animations estivales pour se féliciter mutuellement de leur bronzage si parfaitement réussi.
Je l'ai dit, La Seyne est une ville touristique, plus précisément un ancien marais devenu tour à tour repaire de pirates, chantier naval, poste stratégique militaire et enfin lieu de refuge pour personnalités et célébrités diverses. Les divertissements y sont fréquents l'été, et le Sud est soudain hospitalier à tout à chacun si peu que l'on ne regarde pas à la dépense. Les commerçants arborent leurs plus beaux sourires, des concerts ou des animations de rues sont organisés, et un peu partout fleurissent des marchés artisanaux ouverts jusque tard dans la nuit où l'on peut trouver à foison les derniers articles à la mode fabriqués en Chine ou à Taïwan. Mais bon, il reste tout de même les usagers locaux qui eux ne sont pas en vacance et pestent contre les touristes qui envahissent LEURS plages et transforment les habituelles calmes voies d'accès en périphérique parisien un jour de grève des transports. À croire que les parisiens emportent dans leurs bagages ces embouteillages dont ils semblent si friands et qui font le charme de la capitale Française. Je n'ai pour ma part que très rarement pu pénétrer dans Paris sans abuser de ses voluptueux flux de véhicules et de leur agréable pollution atmosphérique et sonore, et plus de la moitié des parisiens que je rencontre ont été, à une période ou une autre de leur journée, et à des degrés plus ou moins variables, confrontés à ces mêmes joies. Nombre d'entre eux se sentent même perdus et désorientés sur une route de campagne sans circulation, ce qui aurait tendance à prouver que le critère de Bernstein peut effectivement bien s'appliquer aux embouteillages parisiens. Mais revenons à notre sujet, c'est à dire Mana. Je l'avais connue sept ans auparavant alors qu'elle était fortuitement de passage à Vitrolles lors d'une journée qui restera à jamais gravée dans ma mémoire, puis croisée en coup de vent à Nouméa pendant la période où je faisais mon Service Militaire. Elle est de passage chez sa grand mère qui habite Toulon et je trépigne d'impatience car elles doivent venir toutes les deux diner un soir chez ma mère. Elle, c'est une belle jeune fille élégante et pleine de charme, et moi j'ai l'air d'un plouc habillé d'un jean et d'un T-shirt que je n'ai même pas eu le temps de laver. Paradoxalement, alors qu'à mon habitude j'ai été gauche et désobligeant avec mon lot de blagues à deux balles (voire deux francs six sous de l'époque Pinay), la soirée a été très agréable et nous devons nous revoir.

Nous nous revoyons donc, tout d'abord lors d'une soirée à Sanary ; il y a un marché comme à l'habitude des villes du sud de la France en période estivale, un homme l'accoste mais elle l'éconduit, je ressent en moi un sentiment de jalousie qui n'a pas encore lieu d'être. Mana a une fille de 4 ans et demi, Océane, et dans la soirée alors que nous patientions pour un loto celle-ci me lance "Tu ne vas pas tomber amoureux de ma maman ?", je lui réponds que non, il n'y aucun risque que je tombe maintenant amoureux de Mana, car je sais que le mal est fait depuis longtemps déjà. Nous ne gagnons pas le téléviseur au loto, et sur le chemin du retour jouons à compter les 2CV vertes, jeu puéril certes mais qui devient de plus en plus compliqué à réaliser avec la disparition de ces voitures des chaînes de production de Citroën.
Le lendemain, je vais chercher Mana pour aller voir un film au cinéma, Final Fantasy : The Spirit Within, Notre Film. Nous en verrons d'autres par la suite bien sur, mais ce film est le premier que nous sommes allés voir ensembles, celui qui marque le début de notre relation, il a donc une importance toute particulière pour moi. Nous allons diner à une crêperie où je renverse maladroitement mon verre de cidre sur elle (je referai cette bourde une semaine après à l'anniversaire de sa cousine mais avec un verre de Kir ;) ), puis nous allons voir le film au cinéma. Lors de la séance, Mana me prends la main, une marque d'affection qui me galvanise pour la suite. À la sortie de la séance, je la prends par la taille et lui propose d'aller faire une ballade dans les hauteurs de Toulon. Nous voilà partis pour le mont Faron, et évidemment elle souffre de vertige, chose que je ne savais pas et deuxième grosse bourde de la soirée. Les routes sont escarpées et l'altitude la rend malade. C'est tant bien que mal qu'elle descend pour observer la vue de Toulon, vue si splendide qu'à peine étions nous descendus qu'une voiture arrive pour admirer le point de vue. On est jamais tranquilles avec ces touristes, je vous jure. Après d'interminables minutes, les inopportuns s'en vont enfin et on se retrouve seuls face à l'immensité du soir, un regard échangé, un bruissement de vent, et nos lèvres qui se frôlent. Oubliés la hauteur, les craintes, les bourdes de la soirée, l'instant et magique, hors du temps et de l'espace, loin de tout et de tous, nous sommes seuls dans l'univers, l'Ange et le Démon se sont trouvés et s'aiment, aucune Force ne peut désormais les séparer.

L'amour passionnel est un sentiment fort et imperturbable jusqu'à ce que la réalité reprenne ses droits. Je ne saurais décrire avec précision tous les instants que nous avons passés par la suite en promenades solitaires, rêveries amoureuses et contemplations interminables, et pourtant les détails de ces moments sont encrés en ma mémoire aussi précisément que si j'y avais porté une attention toute particulière bien que ce ne fut pas le cas. Mon bonheur est dans Mana et quelques soient les contrariétés de la vie quotidienne, elles ne sauraient peser lourd face à la joie d'être avec elle jour après jour. Elle est belle et me rend beau, et tous les endroits où elle se trouve sont magnifiques tant qu'elle y est présente, à l'inverse ceux où elle n'est pas semblent ternes sans sa présence.

Je dois repartir sur Marseille, et elle m'accompagne...

Je suis un homme désormais, avec une famille et les responsabilités qui lui incombent même si je n'y fait pas encore totalement face, mais je sais que c'est avec Mana que je veux passer le reste de ma vie, me marier, avoir des enfants... bref, je grandis.
C'est pas trop tôt me dirait mon père...

Le bonheur est dans Helven