La survie est dans Helven...

Helven grandit Lui, Helven, mon bonheur présent, passé et futur !
"Qu'est-ce que tu comptes faire pour ton fils ?" m'a demandé mon père.
Être là, hier, maintenant et demain...

C'est le début de l'année 2002, Mana et moi sommes ensembles depuis quelques mois, et je suis persuadé qu'elle est celle avec qui je veux vieillir, fonder une famille, partager mes joies et mes peines. Je fais partie de ces gens qui pensent qu'il n'existe qu'un grand jour dans la vie d'un homme, et que l'on ne donne pas sa parole à la légère. Est-ce l'euphorie du moment, les restes des effluves du nouvel an, ou tout simplement une coïncidence astrale ? Quoi qu'il en soit, je réunissais mes quelques économies et me rendais chez un bijoutier renommé du centre marseillais pour sceller ma vie pour de bon. J'étais bien décidé à demander sa main fin février, deux jours avant mon anniversaire !

Je prépare donc une soirée romantique comme on en voit dans les films, ou du moins l'idée que l'on peut en avoir : diner aux chandelles préparé avec soin et une bonne dose d'amour, ambiance douce et délicate assortie d'une musique de relaxation, et c'est au moment du dessert que je formule ma demande en bonne et due forme. La soirée devait être bien réussie et Mana devait - elle aussi sans doute - partager mes sentiments car elle accepte ma demande. Je pensais alors être au combles du bonheur !
Je pensais alors, car c'est deux jours plus tard que ma joie a réellement atteint son apogée ; Mana me faisait le plus beau de tous les présents d'anniversaire, elle m'annonçait la venue futur d'un petit être qui déjà grandissait en elle... J'allais être père à mon tour. Bien sur j'endossais déjà le rôle de père pour la fille de Mana, Océane, que j'avais accepté comme ma fille très rapidement avec l'ensemble des responsabilités qui en découlent. Les beaux sentiments sont cependant comme des plats préparés par un autre, ils ne vous appartiennent pas totalement même si c'est vous qui les apportez sur la table. Mais laissons-là la cuisine pour revenir à nos oignons. Garçon ou fille, peu m'importait, j'étais comme Phil Barney dans sa chanson, vous savez... "Avoir un seul enfant de toi, Avoir un seul enfant de toi, ça faisait longtemps que j'attendais, le voir grandir auprès de toi, c'est le cadeau dont je rêvais, qu'il ait ton sourire, ton regard quand tu te lèves le matin, avec l'amour et tout l'espoir que j'ai quand tu me tiens la main" (merci à mon ami Google pour les paroles exactes. Retenez-les, c'est toujours utile dans une conversation ou un jeu entre amis). Bien sur ça ne faisait pas si longtemps que j'attendais vu que notre histoire n'était pas très ancienne, mais tous le reste était pareil... enfin que dans le refrain, pas dans le reste de la chanson, vu que la naissance ne s'est pas déroulée au mois de février, que je ne joue pas de musique dans un groupe et que la mère de mon fils n'est pas restée le cœur froid sur la table après l'accouchement. Quelle belle et triste chanson quand on y repense !

La naissance se passe bien, mise à part les discussions de l'obstétricien à propos de ses vacances sur les eaux corses, ce que je trouve un peu inapproprié mais qu'importe, c'est une sensation unique de devenir père. Bien sûr, ce n'est rien comparé à la douleur de l'accouchement, mais la transformation psychologique qui s'opère à ce moment précis où on vous remet un petit être vivant, si frêle et si fragile, entre les mains et que vous acceptez que ce soit votre sang, est aussi terrible et soudaine que si vous aviez été frappé par un éclair un jour de beau temps. Je passe sur les jours heureux (et moins) qui suivirent, à changer des couches ou encore donner le bain, tout en craignant de mal faire et en essayant déjà d'obtenir une cohérence dans l'éducation du nourrisson (par exemple le choix des comptines). Helven n'était pas un nourrisson comme les autres de ce côté là. Outre une maladie génétique orpheline hyper rare chez les garçons, l'athyroïdie, qui nous avait fait croire au miracle du bébé qui fait ses nuits dès la première nuit de sa vie - miracle qui ne dura que jusqu'à ce que son traitement soit bien dosé - Helven ne s'endormait qu'en voiture ou sur l'air d'une seule chanson qui est bien loin de la comptine "fais dodo colas mon p'tit frère" : la chanson "Jeepers Creepers" de Paul Whiteman chantée par papa, entendue dans le film homonyme sorti peu avant sa naissance réussissait à calmer ses pleurs et l'endormir comme par miracle. En dehors de ça, c'est un garçon affectueux et sensible, doué pour la technologie (il déprogrammait le magnétoscope alors qu'il avait tout juste deux mois), qui grandit bien et mange bien.

Nous déménageons rapidement dans une location en Eure et Loir, pour des raisons professionnelles, quittant Marseille et le soleil pour trouver la région Centre, la pluie et la neige, et où j'espère construire le bonheur en famille. Car le bonheur n'est jamais que le résultat du labeur de son propre investissement et de celui de sa partenaire dans le cas d'un couple. Je travaille la journée dans un établissement difficile, et je rentre le soir pour m'occuper de ma famille, me privant pour leur bien être. Mais l'endroit est isolé et bien loin des lueurs de la ville, et Mana déprime, demande à sortir plus encore, ce que mon salaire ne permet pas. À force d'efforts pour revendre mon appartement de Marseille, ma porte de sortie en cas de rupture, et non sans quelques difficultés et tensions passagères, nous achetons fin 2006 une maison - le petit manoir comme dirait mon fils - qui permettra à notre famille de s'épanouir, du moins c'est ce que Mana m'avait fait croire. C'est là-bas que Mana me quittera, un peu plus de 4 ans après la naissance de mon fils, le soir de Noël de la même année.

La séparation m'a laissé une cicatrice qui a eu bien du mal à se refermer, si encore aujourd'hui on peut la considérer comme refermée, mais bien plus encore j'ai été affecté par l'absence de mon fils au quotidien dans un premier temps, puis au fil des ans lorsque Mana est partie en Nouvelle Calédonie l'année suivante pour des vacances dont elle n'est pas revenue. Quatre longues années sans aucune nouvelles et moins d'une dizaine de photos pour lesquelles je devais supplier la femme qui auparavant faisait partie de mon être. Je ne comprend pas les anges, il vaut mieux que je reparte dans les limbes. je partirai là-bas une fois pour le voir, puis Mana reviendra en France 8 ans après en être partie, rendant les visites de Helven plus fréquentes et les séparations moins déchirantes, mais quelque chose entre nous s'est désormais brisé.
Il nous faut reconstruire le lien qui a té rompu, et cela prendra peut-être le même temps que celui de la séparation, voire bien plus même encore, notre relation étant essaimée sur au plus 1/6ème de l'année
civile, il faudra peut-être bien 6 fois plus d'années que celles de la séparation, survivrai-je jusque là alors que je sombre plus encore, jour après jour, dans la profonde abîme du néant de mes pensées.
Je suis un homme brisé, sans famille mais des responsabilités qui lui incombent toujours.
Je suis aussi un père désormais, et il faut recréer ce qui n'aurait jamais dû être détruit, ce sera long et difficile mais je m'y engage, mettant les griefs et les rancoeurs de côté pour son bien être... bref, je grandis.
C'est pas trop tôt me dirait mon père...

Le bonheur est dans Éclipse